Histoire du bâtiment

I. Histoire et construction du bâtiment

1. Construction du bâtiment

A partir de 1800, le premier Préfet de Seine-et-Oise occupe à Versailles l'ancien bâtiment du garde-meuble de la Couronne, construit entre 1780 et 1796, et situé au 11 rue des réservoirs.

Au cours de l'été 1859, le conseil général de la Seine-et-Oise adopte, à l’initiative du préfet Claude-Joseph-Brandelys Green, comte de Saint-Marsault, le principe qu'une préfecture nouvelle sera construite, les bâtiments étant devenus trop petits pour les besoins administratifs de l'époque.

Pour ce faire, le conseil général de Seine-et-Oise achète, le 26 mars 1861, l'ancien Chenil du Roi, édifié en 1685 derrière les Grandes écuries. Pour l’époque, le montant pour acquérir le terrain est important, la transaction s’élève à 900 000 francs (soit environ 1,8 million d'euros actuels).

Pour construire la nouvelle préfecture, un concours est lancé. Une procédure peu courante pour l’époque. A l'issue d'un concours à deux tours, entre 1862 et 1863, et d'une exposition publique - comme pour l'Opéra de Paris- la proposition d'Amédée Manuel (1814 – 1891) est sélectionnée, parmi 38 autres propositions.

Originaire de Versailles, mais architecte méconnu, Amédée Manuel est issu d'une famille d'avocats et de négociants. Aucune autre construction, hormis quelques travaux dans divers immeubles versaillais, n’est connu de cet architecte.
Il est par ailleurs l'arrière grand oncle de M. Alain Schmitz, ancien Président du Conseil Général, actuel Sénateur des Yvelines.

En septembre 1863, le chantier commence. L’installation se fera à la fin de l'année 1866, et l’inauguration le 19 juin 1867, par le Préfet Jules Priamar Boselli (1810-1878) en présence de Pierre Jules Baroche (1802-1870), ministre de la Justice et des Cultes, mais aussi président de l'assemblée départementale de Seine-et-Oise depuis 1852, et de nombreuses autorités.

2. Architecture et mobilier 

Passé la grille sur l'avenue de Paris, et au fond de la cour d'honneur, on accède au corps principal de l'hôtel. Deux ailes en retour d'équerre qui déterminent la cour d'honneur. Au-delà du bâtiment principal, on devine par transparence le dessin d'un parc à l'anglaise.

La trame rigoureuse de la composition, le gabarit général des bâtiments, mais également l'équilibre et l'harmonie qui s'en dégagent correspondent aux caractéristiques générales de I'urbanisme versaillais. Le bâtiment s’intègre également dans le grand style à la française insufflé depuis le début des années 1850 par les architectes de l'administration publique, à l’image d’Henri Labrouste (1801-1875) à la Bibliothèque nationale et Henri-Paul Nénot (1853-1934) à la Sorbonne.

Pour donner vie à ces volumes, Manuel va s'entourer d'artistes de renom. Ainsi, pour les peintures, l'architecte fait appel à Alexandre Denuelle, peintre décorateur, alors qu’Hippolyte Blondel, architecte départemental et diocésain, est chargé de l'ameublement. Il va également s'entourer de deux familles d'artistes : les Ribaillier-Mazaroz, ébénistes, fournisseurs du mobilier impérial et les Chaumont-Marquis-Languereau, bronziers d'art fournisseurs du mobilier de la Couronne, des ministères et de la préfecture de la Seine. Ces derniers vont équiper en lustres, pour la plupart encore en place, presque toutes les pièces de réception.

3. Les façades
Le corps principal de l'hôtel, au rez-de-chaussée comme à l’étage est réservé aux fonctions de représentation. La façade est dessinée en conséquence, dotée d'un balcon porté par des consoles et orné d'une ferronnerie néo-dix huitième, de deux bustes de Cérès et de Mercure, allégories de l'agriculture et du commerce et d'un tympan sculpté représentant, de part et d'autre d'un écusson portant le " N " impérial, les figures de la Seine et de l'Oise réunissant leurs eaux, réalisé par Georges Clère.

Si l'on traverse le vestibule, puis le salon d'attente, on peut découvrir la façade côté parc. L'iconographie sculptée du corps central s'adapte à l'environnement paysager de cette facade avec les bustes de Vertumne et Pomone et la représentation dans le tympan triangulaire du triomphe de Flore également dus également à Clère.

4. La Préfecture dans l’histoire 

A partir du 20 septembre 1870, le Prince Royal de Prusse, Frédéric-Guillaume, puis dès le 5 octobre le Roi de Prusse, Guillaume Ier, occupèrent la Préfecture jusqu’au 6 mars 1871. Les bureaux du rez-de-chaussée de la Préfecture furent choisis pour servir de poste au bataillon qui gardait le Prince. Ainsi, au sommet de la Préfecture, le drapeau prussien flottait en lieu et place du drapeau tricolore. Durant cette période, le potager du Roi fournissait le Roi de Prusse en fruits et légumes.

Avec la Commune, Adolphe Thiers, Chef du pouvoir exécutif, porte, lui aussi, son choix de résidence sur cet immeuble. Il s’installe le 18 mars 1871 et va occuper tout l’aile gauche du bâtiment avec sa femme et sa belle soeur Félicie Dosne. Ses successeurs, le maréchal de Mac-Mahon, puis Jules Grévy, en firent autant. De la sorte, l'actuelle préfecture des Yvelines fut le siège de l'État français pendant huit ans (du 18 mars 1871 au 30 janvier 1879). En 1880, le bâtiment redevint Préfecture.


II. Rez-de-chaussée

1. Cabinet d'audience du préfet, actuellement bureau du préfet

Une peinture récente, signée S. Bouvier et datée de 1991, représente le bassin de Neptune dans le parc du château de Versailles, tandis que les quatre allégories des Arts, des Sciences, du Commerce et de l'Agriculture décorent les dessus-de-porte de Pierre Brisset (Paris 1810-1890).
Le très beau bureau double face, d'époque Louis XV, a servi à Mac-Mahon, lors de son passage à Versailles.
Sur la cheminée, la pendule symbolisant «l'Étude et la Philosophie», d'époque Louis XVI, a été réalisée d'après un modèle célèbre conçu par le sculpteur Simon-Louis Boizot (1743-1809).

2. Salon d'attente – Salon Erignac 

Situé au centre du bâtiment, son décor illustre deux des tendances de l'art décoratif de l'époque, le néo-classicisme et le retour au passé. Le plafond, divisé en trois panneaux décorés d'ornements végétaux stylisés et de rinceaux d'acanthe interprète les arts du passé et du siècle de Louis XIV.

Depuis 1998, ce salon a été rebaptisé « Salon Erignac » en hommage au Préfet Claude Erignac, assassiné dans l’exercice de ses fonctions, le 6 février 1998.

3. Petit salon, actuellement secrétariat 
Cette pièce, d'après les plans de Manuel de 1863, faisait office de salle de billard comme en témoigne le lustre à deux suspensions. Au plafond, dans un ciel encadré par une balustrade en pierre, quatre amours soutiennent des guirlandes qui se réunissent à l'anneau du lustre. Les dessus-de-porte représentent les quatre Saisons sur des toiles marouflées d'Henri de Gray.

4. Salon Thiers, actuellement salle de réunion
Ce salon conserve son décor originel : fond au ciel feuillagé, corniches peintes de natures mortes. Les deux premières montrent fleurs, gibiers et fruits en bois de placage associés à des tissus.

Le mobilier de Ribaillier-Mazaroz a été conçu pour cette pièce. Le buffet vitré à deux corps avec en partie basse des natures mortes à motifs de fruits et de gibier, sculptées, mélange les styles Renaissance et Louis XIII.


III. L'étage noble

1. Escalier d'honneur
L'étage est accessible par un grand escalier constitué d'une première volée droite centrale et d'une deuxième volée double. Ses murs sont revêtus en stuc-marbre coloré. A l'étage, on trouve un décor à pilastres iconiques et deux toiles imposantes, «La Seine à Suresnes» (1867), par Émile Lambinet, et une «Vue de Capri » par Félix Lanoüe (1812 - 1872).

La rampe en fer forgé s'inspire du style Louis XIV. On remarque le chiffre de l’ancienne Seine-et-Oise formés de deux S entrelacé et d’un O.

2. Salle du conseil général, actuellement salle de délibération du conseil départemental
La salle du conseil général dispose d’un plafond au ciel entouré d'une balustrade fleurie, corniche animée par des amours musiciens, des pots-à-feu et des oiseaux, en relief. La cheminée monumentale était ornée à l'origine d'un buste de Napoléon Ier remplacé par un buste de Marianne et d'une pendule de Chaumont-Marquis, toujours en place.
En face, un tableau de Guillaume Dubufe (1853-1909), « Allégorie de la Seine et de l'Oise», remplace le portrait de Napoléon III.

3. Grand salon dit Salon des Aigles
Le Salon des Aigles occupe tout le premier étage de l'avant-corps du pavillon central et reçoit le jour par six fenêtres. Des pilastres et colonnes à chapiteaux corinthiens, en stuc-marbre dont la couleur d'origine n'est plus visible, animent l'ensemble. Une cheminée en brèche violette évoque le salon d'Hercule de Versailles. Au plafond, les quatre Heures du jour d'Ernest Augustin Gendron (1817-1881) sont symbolisées par quatre jeunes femmes grandeur nature volant dans le ciel. Le Matin verse le contenu d'une urne, le Midi répand des fleurs, le Soir tient un sablier, la Nuit est étendue sur un nuage.

La corniche très décorée est soulignée aux angles de quatre aigles dorées aux ailes déployées posées sur un décor géométrique d'Alexandre Denuelle. Au centre des voussures, sont représentées les quatre Saisons dues à Félix-Armand-Marie Jobbé-Duval (1821-1889). Elles sont personnifiées par des femmes grandeur nature assises et portant leurs attributs, de droite à gauche : l'Hiver, à la draperie verte, le Printemps, à la draperie rose, I'Eté, à la draperie bleue et l'Automne, à la draperie rouge.

Le mobilier de style Louis XV est dû à Ribaillier-Mazaroz. Quant à la grande pendule-cartel à deux têtes de femme et au cadran à cartouche en bronze ciselé doré, elle a été livrée en 1867 par la Maison Chaumont-Marquis.

4. Salon de l'Impératrice
Il doit son nom au portrait de l'impératrice Eugénie, d'après Franz Xaver Winterhalter
(1806-1873), qui s'y trouvait. Un autre portrait inspiré du même artiste vient depuis orner cette pièce. Au plafond, Dominique Henri Guifard (1838-1913) a peint un ciel encadré d'une balustrade, sur laquelle sont assis huit amours jouant avec des oiseaux.

La corniche est marquée aux angles de l'emblème impérial «N» couronné. Deux allégories, «La Poésie et La Musique », sont représentées dans les dessus-de-porte dûs à Félix Barrias (1822-1907), grand Prix de Rome en 1844. La garniture de cheminée -une pendule console à volutes grand modèle en marbre blanc avec ornements ciselés dorés et deux vases œuf en marbre blanc aux bouquets de lys à dix bougies- est l'œuvre de Chaumont-Marquis.

Au sol, le tapis « Le Jour » est issu de la collection du mobilier national et a été réalisé par la Manufacture national de la Savonnerie en 2001, d’après une œuvre de Marinus Boezem.

5. Grande salle à manger
Elle est revêtue de lambris en stuc-marbre imitant certains décors du château de Versailles. La corniche, ornée de trois frises en carton-pierre souligne le plafond peint par Dominique-Henri Guifard (1838- 1913), représentant un fond de ciel encadré par une galerie à balustres, au milieu desquelles courent des branches de feuillage et de fleurs.

Sur la cheminée, une pendule d'époque Premier Empire présente sur son socle Orphée aux Enfers : reconnaissable à sa lyre, il arrive devant Hadès assis sur un trône, à l'arrière, se tient Eurydice voilée conduite par un petit amour qui porte un carquois.